La semaine dernière, alors que j’étais sur l’île de
Jersey, j’eu l’intention de prendre le ferry avec un ami anglais pour St Malo
en France, puis de rouler le long de la côte normande jusqu’à Calais, où nous
avions prévu de rendre visite à des réfugiés qui tentaient d’entrer en
Grande-Bretagne et qui vivaient dans une cité de tentes appelée la “jungle.”
J’ai été particulièrement touché par la situation des
réfugiés Erythréens mais aussi par d’autres réfugiés venant de Somalie,
d’Ethiopie, de Syrie et d’Iraq, fuyant la guerre et des régimes oppressifs.
J’ai lu le désespoir dans lequel sont plongées les personnes cherchant à entrer
illégalement en GB à travers les tunnels de l’English Channel et j’avais
quelques contacts avec des chrétiens Erythréens là-bas.
Cependant, à la veille de notre voyage, le projet fut
bloqué à la fois par une mer déchaînée et par l’impossibilité de mon ami de
partir, me ramenant à Londres puis à Paris par le train. Je ne savais pas que
Dieu m’ouvrirait la porte vers un ministère pour les Erythréens et les
Africains de l’Est d’une manière complètement inattendue qui inclurait une
équipe grandissante de disciples collaborateurs passionnés.
Ismahan est une jeune femme somalienne âgée de 30 ans
que j’ai rencontrée pour la première fois à Tierra Nueva, il y a 4 ans. Alors
qu’elle s’en retournait vers Paris, nous la mîmes en relation avec une église à
laquelle nous étions très liés. Elle assista à une conférence où j’ai parlé le
19 septembre. Après la formation qui se termina tard ce soir-là, je lui
demandai si elle connaissait des réfugiés d’Erythrée. Elle me répondit qu’elle
pouvait me conduire à l’instant à la station de métro La Chapelle où nous
pourrions chercher des réfugiés Est Africains qui se rassemblaient là avant de
rejoindre Calais.
Nous prîmes donc le métro. Pendant le trajet, Ismahan
me parla de son frère âgé de 16 ans qui avait été kidnappé pour une rançon par
des Islamistes pendant le voyage périlleux d’Erythrée vers la Lybie et, de là,
traverser la Méditerranée dans un bateau de contrebande pour l’Italie puis
enfin rejoindre la France. Elle
avait besoin de trouver quelqu’un qui savait comment amener l’argent aux
ravisseurs de son frère, mais craignait d’y aller seule. Elle fut contente que
je sois disponible et intéressé à y aller avec elle.
Quand nous arrivâmes à l’arrêt de métro La Chapelle,
nous nous mîmes à longer les trottoirs bondés d’immigrants africains, et
Ismahan se mit à parler aux uns et aux autres en somali ou en éthiopien, leur
demandant où se trouvaient des Erythréens ou d’autres migrants susceptibles de
l’aider. Un Ethiopien offrit de nous aider, nous conduisant d’abord vers un
petit parc puis par un passage souterrain où nous nous trouvâmes soudainement
face à face avec quatre jeunes dont nous apprîmes qu’ils étaient d’Erythrée.
Ils nous dirent qu’ils étaient arrivés ce jour
d’Italie, en route vers Calais et avec espoir pour Londres (première photo
ci-dessus). Ils ajoutèrent qu’ils avaient traversé la Méditerranée dans un
bateau de contrebande quatre jours
auparavant et partiraient pour Calais le lendemain matin.
Nous leur demandâmes s’ils par hasard ils n’étaient
pas chrétiens et nous apprîmes que deux étaient chrétiens et deux musulmans.
Nous apprîmes également que le plus jeune, un musulman âgé de 15 ans (à
l’extrême gauche sur la photo) crachait du sang. Nous offrîmes de prier pour sa
guérison et proposâmes une aide médicale et un hôtel où ils pourraient se
reposer. Les jeunes hommes paraissaient épuisés et désespérés et furent
contents de recevoir nos prières.
Alors que nous commencions à prier, un petit groupe de
migrants somaliens s’approcha de nous et se mit à nous questionner. “Que
faites-vous?” “Qui êtes-vous?” “Pourquoi êtes-vous là?” Ismahan me mit en garde
du fait qu’ils étaient tous musulmans et que l’atmosphère spirituelle allait
s’intensifiant.
Ismahan leur expliqua que je travaillais avec des
immigrants sans-papier qui passaient du Mexique aux Etats-Unis, et que j’étais
un pasteur qui exerçait en prison. Je serrai la main de chacun d’eux et tentai
de dépasser leur inquiétude. Au bout d’un moment les hommes se dispersèrent
nous laissant avec les quatre
Erythréens et l’Ethiopien qui s’intéressait à eux.
Alors qu’il sifflait une grande bière, il chuchota en
mauvais anglais, “Pourriez-vous aussi prier pour moi ? Je suis chrétien. ”
Je priai avec joie et remarquai qu’il avait jeté sa bière non terminée dans une
poubelle.
A cet instant le frère d’Ismahan âgé de 25 ans appela,
et nous le trouvâmes devant un service de transfert d’argent géré par des
Somaliens sous le passage souterrain. Ensemble, nous aidâmes les Erythréens
avec de l’argent pour un hôtel, leur donnâmes des livres anglaises pour leur
voyage en GB, et priâmes pour eux pour eux et bénîmes leur voyage. L’Ethiopien
nous déclara alors qu’il nous conduirait vers d’autres Erythréens ainsi que des
personnes qui sauraient comment récupérer de l’argent pour libérer le frère
d’Ismahan et de Nasar.
Nasar semble très sensibilisé à la cause des
Erythréens et leur porte de manière évidente un intérêt particulier. Il exprime
également de la gentillesse envers l’Ethiopien. Il passe sans problème de
l’anglais au français, au somalien ou à l’arabe alors que nous engageons la
discussion avec des personnes de différentes nationalités. Je sais après en
avoir parlé avec Ismahan, que Nasar se considère comme musulman, et s’est
néanmoins approché de Jésus. Alors que marchons, je me mets à penser que Nasar
a peur de Jésus. Cette pensée me semble tellement pressante que je me risque à
lui lancer gentiment : “Tu as peur de Jésus n’est-ce pas?
”
Nasar nie avoir peur de Jésus, mais j’insiste sur
cette impression, lui disant que je pense qu’il a peur mais que Jésus veut
qu’il sache qu’Il le respecte. Cela attire son attention, alors je partage avec
lui combien je vois qu’il a un cœur plein de compassion pour les réfugiés et
les personnes qui souffrent et que, uni à Jésus, il pourrait les aider bien
plus. Il est d’accord avec l’affirmation qu’il a un grand cœur pour les pauvres
et semble ému par ce que j’ai dit. Je lui demande si je peux prier pour lui et
il est d’accord. Nous prions alors ensemble là dans la rue avant de nous
diriger vers notre prochaine mission.
L’Ethiopien nous fit signe de le suivre à travers la
foule et dans le métro. “Je sais où trouver de nombreux Erythréens et des
personnes qui pourront vous aider,”
insista-t-il. Et nous voilà partis, avec notre guide, Nasar et un nouvel
ami somalien à lui se glissant juste derrière Ismahan et moi de façon à passer
au travers des tourniquets du métro sans avoir à acheter de tickets. Nous changeons de rames plusieurs fois
et après 20 minutes environ, nous arrivons à Place des Fêtes. Nous suivons notre guide éthiopien à travers les
rues et allées jusqu’à ce que nous entrions dans un bâtiment d’une école
abandonnée où environ une centaine d’Africains et de Roumains sont rassemblés
en plusieurs groupes dans la cour.
“Il s’agit d’un camp de réfugiés non officiel,”
Ismahan me dit. Ci-dessous la photo et l’article de presse français ici. “Ce sont tous des squatteurs et cet
immeuble est condamné,” dit-elle.
Notre guide éthiopien monte quelques marches, passe
devant de grands sacs de plastique remplis de vêtements usagés récupérés à
droite et à gauche. Nous entrons dans un couloir et Ismahan frappe à la
première porte. Une femme
entrouvre la porte et nous intime de nous éloigner. La peur se lit dans ses
yeux, Ismahan s’excuse et me dit plus tard que cette femme a probablement été
violée et se sent en danger dans cet environnement essentiellement masculin.
Nous passons devant des portes ouvertes qui révèlent
des rangées d’hommes entassés comme des sardines, des petits sachets avec très
peu d’effets personnels à leurs côtés. Etes-vous d’Erythrée ? Ismahan leur
demande dans leur langue, traduisant pour moi. Nous parcourons pièce après
pièce où s’entassent les migrants : des Somaliens de Mogadishu, des
Ethiopiens, mais pas d’Erythréen.
Nous traversons de longs
corridors bondés, remplis d’hommes dont certains ont pu être un jour des
pirates, soldats ou trafiquants, ou encore de simples travailleurs ou paysans.
Nous passons devant des graffiti récents et des
empreintes de mains dans une cage d’escalier que nous empruntons, les marches
mouillées d’urine. Des odeurs pénétrantes emplissent nos narines alors que nous
arrivons au troisième étage, traçant notre route le long des corridors et à
travers des pièces pleines de Somaliens jusqu’à une pièce où nous pensions
trouver des Erythréens.
“Non,
nous sommes tous Afghans,” dit alors un homme lorsque nous nous engouffrons
dans une grande pièce pleine de nids pour dormir faits avec des vêtements
usagés. Dans les corridors beaucoup d’hommes trainent avec des écouteurs bien
en place, parlant doucement dans leurs téléphones cellulaires.
Nous continuons plus haut, empruntant un autre
escalier imbibé d’urine, à travers des corridors jusqu’à une autre porte, notre
guide éthiopien nous intimant de continuer à le suivre. La soif spirituelle de
ce nouvel ami éthiopien semble augmenter alors que notre voyage s’intensifie.
De nombreuses fois il se tourne vers moi, pointe son cœur et dit :
“s’il-vous-plaît, priez pour moi.”
Finalement,
nous atteignons une pièce qui selon lui contient des Erythréen. Après un
échange prolongé à la porte, nous sommes bien accueillis à l’intérieur. Une
femme enceinte avec trois jeunes enfants est assise à droite, allaitant un
bébé. Trois autres femmes avec des enfants sont devant nous avec un homme. Nous
apprenons qu’ils sont musulmans, mais on leur a dit qu’ils voulaient que nous
priions pour eux.
L’homme nous dit qu’ils avaient tout laissé pensant
trouver quelque chose de meilleur ici.
“Mais il n’y a rien pour nous ici,” dit-il. Ismahan et moi levons nos
mains et prions en anglais et en français, pour la paix de Jésus sur ce ménage,
des faveurs et des portes ouvertes au nom de Jésus. Je ne suis pas sûr que ce
que je prie soit traduit, mais les gens apprécient. Je remarque qu’une des
femmes continue à tousser comme si elle a une bronchite. Je demande à l’homme
si elle est sa femme et il me répond qu’elle l’est. Je prie pour sa guérison et
elle sourit.
Nous redescendons jusqu’au rez-de-chaussée et puis
nous retournons vers la façade de l’immeuble, montons les marches jusqu’au
premier étage et une dernière fois, à travers des couloirs plein d’hommes au
regard désespéré. Je ne sais pas ce que nous sommes en train de faire,
peut-être que nous cherchons quelqu’un qui pourrait aider Ismahan et Nasar à
récupérer de l’argent pour leur frère.
Cela nous
submerge de voir ces gens, traumatisés par leurs périples depuis de nombreux
endroits difficiles. A quels périls ont-ils survécu ? Quel futur les
attend ? Alors que nous nous éloignons, un homme nous suit dans la rue. Il
dit à Ismahan et Nasar que c’est la première fois qu’il entend parler sa langue
depuis quelques semaines. Il dit qu’il est seul et veut une prière. Nous nous
rassemblons autour de lui et le bénissons—une compagnie grandissante attirée
par la mission de Jésus de chercher et sauver les perdus.
Plutôt que de trouver des chrétiens érythréens à
Calais, nous avons trouvé et prié pour des érythréens musulmans à Paris, en
route pour Calais. Au lieu d’exercer un ministère avec mes amis anglais, notre
équipe grandissante inclut des somaliens et un éthiopien. Plutôt que de me
sentir écrasé et paralysé par l’état critique de ces gens, que je ne
connaissais qu’au travers de nouveaux articles de presse, je me sens ému et
mobilisé.
Maintenant, de retour chez moi, la mémoire de ces
scènes me hante et je prie pour ces gens en proie à l’incertitude et à la
douleur. Ils me semblent des contemporains évidents des foules que Jésus décrit
comme “en détresse et abandonnés comme des brebis sans berger. ”
Jésus dit à ses disciples “la moisson est abondante, mais les ouvriers
sont peu nombreux. Implorez donc le Seigneur de la moisson d’amener davantage
d’ouvriers. ” (Matthieu 9:36-38).
Je vous en prie, priez pour les migrants et les
réfugiés, pour Ismahan, Nasar et notre guide éthiopien. Priez pour la liberté
et un voyage sûr pour Aydarouss, le jeune frère d’Ishmahan et Nasar, âgé de 16
ans. Il manque encore 1000$ pour sa rançon. Si vous vous sentez appelé à
contribuer, s’il-vous-plaît, contactez-moi.
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