Dans ma lecture des nombreuses rencontres de Jésus dans l’Evangile, je
suis continuellement ému par ce que ces histoires nous disent des rencontres de
Dieu avec les hommes. Au travers de l’Evangile de Luc, nous voyons Jésus exercer
son ministère surtout dans des endroits publics non religieux. Il enseigne sur
la plage, dans les villes, dans les maisons, sur le bord de la route. Dans Luc
6, il choisit ses douze disciples alors
qu’il était en train de prier sur une montagne, puis descend jusqu’à un
plateau où il accueille une multitude de personnes venues pour être guéries de
leurs maladies et libérées d’esprits mauvais (6 :17). La lecture régulière
de l’Evangile avec des prisonniers éclaire d’un jour nouveau de vieilles
histoires du fait des conditions sinistres dans lesquelles les détenus se
trouvent.
Nous lisons l’histoire du centurion romain à Capernaüm dont l’esclave
bienaimé va mourir. Nous apprenons comment il envoie des anciens des Juifs demander
à Jésus de venir et de sauver son esclave. Nous notons que les anciens vont à
la rencontre de Jésus en insistant sur la valeur du centurion. “Il mérite que
vous lui accordiez cela ; car il aime notre nation, et c’est lui qui a
bâti notre synagogue” (Luc 7 :4-5). Jésus va chez lui, et je demande aux
hommes s’ils pensent que Jésus y va parce que cet homme a de la valeur ?
Nous savons depuis le début que Jésus veut aller chez lui, bien que le
texte ne soit pas clair si Jésus y va parce que les anciens l’ont convaincu de
la valeur du centurion. Je demande aux détenus ce qu’ils en pensent.
Je sais, de par mes années d’expérience, que les personnes en crise
essaient souvent de se rendre aussi méritantes que possible lorsqu’elles ont
vraiment besoin de l’aide de Dieu. Je fais cela aussi. Il existe une
présomption bien ancrée chez la plupart des gens qui pensent que Dieu est en
réalité un juge ou un officier probatoire vérifiant que les hommes se
conforment à ses préceptes, recherchant des évidences prouvant leur innocence
ou des signes en accord avec leurs demandes. Même si les hommes affirment
croire que Dieu sauve par grâce, lorsque nous avons vraiment besoin d’un
miracle, nous ferons des sacrifices perçus comme plaisants à Dieu.
Les détenus pourront faire un effort supplémentaire pour châtier leur
langage, confesser tous leurs péchés, ne manquer aucun culte, lire la Bible
plus qu’habituellement, beaucoup prier, offrir des réponses qu’ils perçoivent
comme justes dans les études bibliques, pardonner à leurs ennemis, jeûner, etc.
Les anciens des Juifs reflètent cette théologie à laquelle chacun est familier.
Ils insistent auprès de Jésus sur les mérites du centurion. Nous ne savons si
Jésus les accompagne parce qu’il pense que le centurion le mérite. Tout ce que
nous savons c’est que Jésus est en chemin vers la maison de ce centurion romain
païen pour guérir (plutôt que libérer) un de ses esclaves. Nous continuons
notre lecture en cherchant des indices sur ce qui se passe réellement ici.
Un homme plus âgé, avec
une barbe grise et avec la moitié des dents manquantes est en extase. Il a
avancé dans la lecture et veut que nous sachions tous quelles bonnes nouvelles
il a trouvées.
Il ne pense pas que le centurion romain ait lui-même parlé aux anciens
des Juifs de sa valeur du fait de son aide à la construction de la synagogue. Il argumente le fait que les anciens se
font l’avocat du centurion basé sur leur croyance que les hommes ont à être
méritants pour avoir leurs prières exaucées. Il pense que les anciens veulent
son aide en continu pour leurs projets et font de leur mieux pour convaincre
Jésus de les aider à lui rembourser en guérissant son esclave. Chacun est
curieux maintenant de lire les versets suivants pour voir ce qui est en fait en
train de se passer et s’il y a de bonnes nouvelles pour eux ou la confirmation de
leurs suspicions négatives.
L’histoire nous montre clairement qu’à mesure que Jésus s’approche de
sa maison, le centurion envoie ses amis (autres que les anciens) pour déclarer
à Jésus qu’il n’en ait pas digne. Les amis, plutôt que les anciens, bénéficiaires
de sa charité, sont maintenant envoyés. Ils parlent au nom de celui-ci :
“Seigneur, ne vous dérangez pas plus, parce que je ne suis pas digne de vous
recevoir sous mon toit ; c’est pour cette raison que je ne me considère
même pas digne de venir à votre rencontre ” (v. 6-7a).
J’interroge les hommes. “Est-ce que la confession du centurion de son
indignité empêche Jésus de guérir
son esclave ? “Jésus dit-il aux amis du centurion, ‘hé, attendez une
minute, je pensais que cet homme avait de la valeur, que c’était un homme droit
qui méritait un miracle. Comme il n’en a pas, dites-lui d’oublier…?” Les
hommes se mettent à rire car cela ne peut être le cas. Nous devons cependant
lire les versets suivants pour connaître la fin de l’histoire.
Nous lisons comment les amis du centurion transmettent sa demande
détaillée qui modélise sa foi qui,
pour Jésus, par sa grâce et son amour, l’emporte sur son indignité.
Je trouve extraordinaire que le centurion ne se présente pas sous son
meilleur jour face à Jésus au
travers de ses amis. Il donne à Jésus des exemples de sa vie de tous les jours
en tant que commandant militaire romain qui donne des ordres aux soldats qui
occupent la patrie de Jésus. Il ne donne pas d’exemple de son autorité exercée
lors de la construction de la
synagogue de Capernaüm,
capitalisant sur l’attrait
exercé sur les anciens des Juifs. Il ne se cache pas non plus, ni ne minimise le fait d’avoir un esclave. Il
montre plutôt les ordres qu’il
donne à son esclave en tant d’exemple de l’autorité qu’il a sur les personnes
dans un système de domination païen. On pourrait presque dire que le centurion
donne de vrais exemples de sa “vie de crime” pour montrer qu’il comprend
l’autorité de Jésus en tant que roi du Royaume de Dieu.
Jésus s’émerveille de cet homme et déclare publiquement à la foule et à
ses disciples : “Je vous le dis, même en Israël, je n’ai pu de foi aussi
grande ” (Luc 7:9).
Par le passé, en lisant cette histoire, je pensais toujours à l’exemple
de la foi du centurion comme la croyance que Jésus pouvait guérir à distance
par un mot, donnant un ordre pour éradiquer la maladie. Alors que Jésus est
certainement capable de cela et le fait dans d’autres épisodes de
l’Evangile, aujourd’hui je vois quelque chose de neuf.
“Et lorsque ceux qui avaient été envoyés retournèrent à la maison, ils trouvèrent l’esclave en bonne santé.”
Ensemble, avec les détenus nous nous émerveillons de l’extrême humilité
du centurion et de celle de Jésus.
Le centurion ne nettoie pas son image pour obtenir l’aide de Jésus mais se
présente comme il est, confiant en la miséricorde de Jésus. Jésus ne prononce
pas un mot de guérison à distance de l’esclave en
public, impressionnant la foule, les anciens ou les amis du centurion. Jésus ne
modélise pas son autorité sur celle du centurion. Les amis du centurion
trouvent l’esclave rétabli, sans que Jésus n’ait reçu le moindre crédit pour le
miracle. Jésus, donne plutôt au centurion ennemi, une modélisation de quelque
chose qu’il appelle la foi, dont nous essayons de saisir le mécanisme pendant
les dernières minutes de notre étude biblique en prison avant que les gardes ne
viennent.
“Comment cette histoire résonne-t-elle en vous aujourd’hui?” Demande-je aux hommes. “Qu’entendez-vous
de Dieu pour vous dans cette lecture et discussion?”
“Le centurion sait qu’il est indigne mais demande néanmoins à Jésus un
miracle,” dit quelqu’un. “Nous pouvons faire ça ici en prison, et cela me donne
de l’espoir que Jésus me répondra, même quand ma vie est de guingois et que je ne mérite pas d’aide.”
Nous parlons de la foi en tant qu’assurance que nous pouvons faire
appel à Jésus pour une aide concrète et immédiate tels que nous sommes, sans
avoir à laver nos actes. Nous pouvons compter sur lui, pour qu’il vienne à
nous, où que nous soyons. Nous passons les dernières minutes en prière,
remerciant Jésus d’être déjà en chemin vers nous, soit parce que d’autres
prient pour nous, soit parce que nous demandons de l’aide pour nous-mêmes.
J’invite les hommes à oser faire connaître leurs requêtes à Jésus sans préjuger
de leur situation présente. Ensemble, nous exprimons nos prières avec un nouvel
espoir.
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