Wednesday, December 16, 2015

Rencontres Erythréennes à Paris


La semaine dernière, alors que j’étais sur l’île de Jersey, j’eu l’intention de prendre le ferry avec un ami anglais pour St Malo en France, puis de rouler le long de la côte normande jusqu’à Calais, où nous avions prévu de rendre visite à des réfugiés qui tentaient d’entrer en Grande-Bretagne et qui vivaient dans une cité de tentes appelée la “jungle.”

J’ai été particulièrement touché par la situation des réfugiés Erythréens mais aussi par d’autres réfugiés venant de Somalie, d’Ethiopie, de Syrie et d’Iraq, fuyant la guerre et des régimes oppressifs. J’ai lu le désespoir dans lequel sont plongées les personnes cherchant à entrer illégalement en GB à travers les tunnels de l’English Channel et j’avais quelques contacts avec des chrétiens Erythréens là-bas.

Cependant, à la veille de notre voyage, le projet fut bloqué à la fois par une mer déchaînée et par l’impossibilité de mon ami de partir, me ramenant à Londres puis à Paris par le train. Je ne savais pas que Dieu m’ouvrirait la porte vers un ministère pour les Erythréens et les Africains de l’Est d’une manière complètement inattendue qui inclurait une équipe grandissante de disciples collaborateurs passionnés.

Ismahan est une jeune femme somalienne âgée de 30 ans que j’ai rencontrée pour la première fois à Tierra Nueva, il y a 4 ans. Alors qu’elle s’en retournait vers Paris, nous la mîmes en relation avec une église à laquelle nous étions très liés. Elle assista à une conférence où j’ai parlé le 19 septembre. Après la formation qui se termina tard ce soir-là, je lui demandai si elle connaissait des réfugiés d’Erythrée. Elle me répondit qu’elle pouvait me conduire à l’instant à la station de métro La Chapelle où nous pourrions chercher des réfugiés Est Africains qui se rassemblaient là avant de rejoindre Calais.

Nous prîmes donc le métro. Pendant le trajet, Ismahan me parla de son frère âgé de 16 ans qui avait été kidnappé pour une rançon par des Islamistes pendant le voyage périlleux d’Erythrée vers la Lybie et, de là, traverser la Méditerranée dans un bateau de contrebande pour l’Italie puis enfin rejoindre la France.  Elle avait besoin de trouver quelqu’un qui savait comment amener l’argent aux ravisseurs de son frère, mais craignait d’y aller seule. Elle fut contente que je sois disponible et intéressé à y aller avec elle.

Quand nous arrivâmes à l’arrêt de métro La Chapelle, nous nous mîmes à longer les trottoirs bondés d’immigrants africains, et Ismahan se mit à parler aux uns et aux autres en somali ou en éthiopien, leur demandant où se trouvaient des Erythréens ou d’autres migrants susceptibles de l’aider. Un Ethiopien offrit de nous aider, nous conduisant d’abord vers un petit parc puis par un passage souterrain où nous nous trouvâmes soudainement face à face avec quatre jeunes dont nous apprîmes qu’ils étaient d’Erythrée.

Ils nous dirent qu’ils étaient arrivés ce jour d’Italie, en route vers Calais et avec espoir pour Londres (première photo ci-dessus). Ils ajoutèrent qu’ils avaient traversé la Méditerranée dans un bateau de contrebande  quatre jours auparavant et partiraient pour Calais le lendemain matin.

Nous leur demandâmes s’ils par hasard ils n’étaient pas chrétiens et nous apprîmes que deux étaient chrétiens et deux musulmans. Nous apprîmes également que le plus jeune, un musulman âgé de 15 ans (à l’extrême gauche sur la photo) crachait du sang. Nous offrîmes de prier pour sa guérison et proposâmes une aide médicale et un hôtel où ils pourraient se reposer. Les jeunes hommes paraissaient épuisés et désespérés et furent contents de recevoir nos prières.

Alors que nous commencions à prier, un petit groupe de migrants somaliens s’approcha de nous et se mit à nous questionner. “Que faites-vous?” “Qui êtes-vous?” “Pourquoi êtes-vous là?” Ismahan me mit en garde du fait qu’ils étaient tous musulmans et que l’atmosphère spirituelle allait s’intensifiant.

Ismahan leur expliqua que je travaillais avec des immigrants sans-papier qui passaient du Mexique aux Etats-Unis, et que j’étais un pasteur qui exerçait en prison. Je serrai la main de chacun d’eux et tentai de dépasser leur inquiétude. Au bout d’un moment les hommes se dispersèrent nous laissant  avec les quatre Erythréens et l’Ethiopien qui s’intéressait à eux.

Alors qu’il sifflait une grande bière, il chuchota en mauvais anglais, “Pourriez-vous aussi prier pour moi ? Je suis chrétien. ” Je priai avec joie et remarquai qu’il avait jeté sa bière non terminée dans une poubelle.

A cet instant le frère d’Ismahan âgé de 25 ans appela, et nous le trouvâmes devant un service de transfert d’argent géré par des Somaliens sous le passage souterrain. Ensemble, nous aidâmes les Erythréens avec de l’argent pour un hôtel, leur donnâmes des livres anglaises pour leur voyage en GB, et priâmes pour eux pour eux et bénîmes leur voyage. L’Ethiopien nous déclara alors qu’il nous conduirait vers d’autres Erythréens ainsi que des personnes qui sauraient comment récupérer de l’argent pour libérer le frère d’Ismahan et de Nasar.

Nasar semble très sensibilisé à la cause des Erythréens et leur porte de manière évidente un intérêt particulier. Il exprime également de la gentillesse envers l’Ethiopien. Il passe sans problème de l’anglais au français, au somalien ou à l’arabe alors que nous engageons la discussion avec des personnes de différentes nationalités. Je sais après en avoir parlé avec Ismahan, que Nasar se considère comme musulman, et s’est néanmoins approché de Jésus. Alors que marchons, je me mets à penser que Nasar a peur de Jésus. Cette pensée me semble tellement pressante que je me risque à lui lancer gentiment : “Tu as peur de Jésus n’est-ce pas?
”  
Nasar nie avoir peur de Jésus, mais j’insiste sur cette impression, lui disant que je pense qu’il a peur mais que Jésus veut qu’il sache qu’Il le respecte. Cela attire son attention, alors je partage avec lui combien je vois qu’il a un cœur plein de compassion pour les réfugiés et les personnes qui souffrent et que, uni à Jésus, il pourrait les aider bien plus. Il est d’accord avec l’affirmation qu’il a un grand cœur pour les pauvres et semble ému par ce que j’ai dit. Je lui demande si je peux prier pour lui et il est d’accord. Nous prions alors ensemble là dans la rue avant de nous diriger vers notre prochaine mission.

L’Ethiopien nous fit signe de le suivre à travers la foule et dans le métro. “Je sais où trouver de nombreux Erythréens et des personnes qui pourront vous aider,”  insista-t-il. Et nous voilà partis, avec notre guide, Nasar et un nouvel ami somalien à lui se glissant juste derrière Ismahan et moi de façon à passer au travers des tourniquets du métro sans avoir à acheter de tickets.  Nous changeons de rames plusieurs fois et après 20 minutes environ, nous arrivons à Place des Fêtes. Nous suivons notre guide éthiopien à travers les rues et allées jusqu’à ce que nous entrions dans un bâtiment d’une école abandonnée où environ une centaine d’Africains et de Roumains sont rassemblés en plusieurs groupes dans la cour.

“Il s’agit d’un camp de réfugiés non officiel,” Ismahan me dit. Ci-dessous la photo et l’article de presse français  ici. “Ce sont tous des squatteurs et cet immeuble est condamné,” dit-elle. 
Notre guide éthiopien monte quelques marches, passe devant de grands sacs de plastique remplis de vêtements usagés récupérés à droite et à gauche. Nous entrons dans un couloir et Ismahan frappe à la première  porte. Une femme entrouvre la porte et nous intime de nous éloigner. La peur se lit dans ses yeux, Ismahan s’excuse et me dit plus tard que cette femme a probablement été violée et se sent en danger dans cet environnement essentiellement masculin.

Nous passons devant des portes ouvertes qui révèlent des rangées d’hommes entassés comme des sardines, des petits sachets avec très peu d’effets personnels à leurs côtés. Etes-vous d’Erythrée ? Ismahan leur demande dans leur langue, traduisant pour moi. Nous parcourons pièce après pièce où s’entassent les migrants : des Somaliens de Mogadishu, des Ethiopiens, mais pas d’Erythréen.  Nous traversons  de longs corridors bondés, remplis d’hommes dont certains ont pu être un jour des pirates, soldats ou trafiquants, ou encore de simples travailleurs ou paysans.

Nous passons devant des graffiti récents et des empreintes de mains dans une cage d’escalier que nous empruntons, les marches mouillées d’urine. Des odeurs pénétrantes emplissent nos narines alors que nous arrivons au troisième étage, traçant notre route le long des corridors et à travers des pièces pleines de Somaliens jusqu’à une pièce où nous pensions trouver des Erythréens.

“Non, nous sommes tous Afghans,” dit alors un homme lorsque nous nous engouffrons dans une grande pièce pleine de nids pour dormir faits avec des vêtements usagés. Dans les corridors beaucoup d’hommes trainent avec des écouteurs bien en place, parlant doucement dans leurs téléphones cellulaires.

Nous continuons plus haut, empruntant un autre escalier imbibé d’urine, à travers des corridors jusqu’à une autre porte, notre guide éthiopien nous intimant de continuer à le suivre. La soif spirituelle de ce nouvel ami éthiopien semble augmenter alors que notre voyage s’intensifie. De nombreuses fois il se tourne vers moi, pointe son cœur et dit : “s’il-vous-plaît, priez pour moi.”  

Finalement, nous atteignons une pièce qui selon lui contient des Erythréen. Après un échange prolongé à la porte, nous sommes bien accueillis à l’intérieur. Une femme enceinte avec trois jeunes enfants est assise à droite, allaitant un bébé. Trois autres femmes avec des enfants sont devant nous avec un homme. Nous apprenons qu’ils sont musulmans, mais on leur a dit qu’ils voulaient que nous priions pour eux.

L’homme nous dit qu’ils avaient tout laissé pensant trouver quelque chose de meilleur ici.  “Mais il n’y a rien pour nous ici,” dit-il. Ismahan et moi levons nos mains et prions en anglais et en français, pour la paix de Jésus sur ce ménage, des faveurs et des portes ouvertes au nom de Jésus. Je ne suis pas sûr que ce que je prie soit traduit, mais les gens apprécient. Je remarque qu’une des femmes continue à tousser comme si elle a une bronchite. Je demande à l’homme si elle est sa femme et il me répond qu’elle l’est. Je prie pour sa guérison et elle sourit.

Nous redescendons jusqu’au rez-de-chaussée et puis nous retournons vers la façade de l’immeuble, montons les marches jusqu’au premier étage et une dernière fois, à travers des couloirs plein d’hommes au regard désespéré. Je ne sais pas ce que nous sommes en train de faire, peut-être que nous cherchons quelqu’un qui pourrait aider Ismahan et Nasar à récupérer de l’argent pour leur frère.

 Cela nous submerge de voir ces gens, traumatisés par leurs périples depuis de nombreux endroits difficiles. A quels périls ont-ils survécu ? Quel futur les attend ? Alors que nous nous éloignons, un homme nous suit dans la rue. Il dit à Ismahan et Nasar que c’est la première fois qu’il entend parler sa langue depuis quelques semaines. Il dit qu’il est seul et veut une prière. Nous nous rassemblons autour de lui et le bénissons—une compagnie grandissante attirée par la mission de Jésus de chercher et sauver les perdus.

Plutôt que de trouver des chrétiens érythréens à Calais, nous avons trouvé et prié pour des érythréens musulmans à Paris, en route pour Calais. Au lieu d’exercer un ministère avec mes amis anglais, notre équipe grandissante inclut des somaliens et un éthiopien. Plutôt que de me sentir écrasé et paralysé par l’état critique de ces gens, que je ne connaissais qu’au travers de nouveaux articles de presse, je me sens ému et mobilisé.
Maintenant, de retour chez moi, la mémoire de ces scènes me hante et je prie pour ces gens en proie à l’incertitude et à la douleur. Ils me semblent des contemporains évidents des foules que Jésus décrit comme “en détresse et abandonnés comme des brebis  sans berger. ”  Jésus dit à ses disciples “la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Implorez donc le Seigneur de la moisson d’amener davantage d’ouvriers. ” (Matthieu 9:36-38).


Je vous en prie, priez pour les migrants et les réfugiés, pour Ismahan, Nasar et notre guide éthiopien. Priez pour la liberté et un voyage sûr pour Aydarouss, le jeune frère d’Ishmahan et Nasar, âgé de 16 ans. Il manque encore 1000$ pour sa rançon. Si vous vous sentez appelé à contribuer, s’il-vous-plaît, contactez-moi.

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