Wednesday, December 16, 2015

La foi du Centurion




Dans ma lecture des nombreuses rencontres de Jésus dans l’Evangile, je suis continuellement ému par ce que ces histoires nous disent des rencontres de Dieu avec les hommes. Au travers de l’Evangile de Luc, nous voyons Jésus exercer son ministère surtout dans des endroits publics non religieux. Il enseigne sur la plage, dans les villes, dans les maisons, sur le bord de la route. Dans Luc 6, il choisit ses douze disciples alors  qu’il était en train de prier sur une montagne, puis descend jusqu’à un plateau où il accueille une multitude de personnes venues pour être guéries de leurs maladies et libérées d’esprits mauvais (6 :17). La lecture régulière de l’Evangile avec des prisonniers éclaire d’un jour nouveau de vieilles histoires du fait des conditions sinistres dans lesquelles les détenus se trouvent.

Nous lisons l’histoire du centurion romain à Capernaüm dont l’esclave bienaimé va mourir. Nous apprenons comment il envoie des anciens des Juifs demander à Jésus de venir et de sauver son esclave. Nous notons que les anciens vont à la rencontre de Jésus en insistant sur la valeur du centurion. “Il mérite que vous lui accordiez cela ; car il aime notre nation, et c’est lui qui a bâti notre synagogue” (Luc 7 :4-5). Jésus va chez lui, et je demande aux hommes s’ils pensent que Jésus y va parce que cet homme a de la valeur ?

Nous savons depuis le début que Jésus veut aller chez lui, bien que le texte ne soit pas clair si Jésus y va parce que les anciens l’ont convaincu de la valeur du centurion. Je demande aux détenus ce qu’ils en pensent.

Je sais, de par mes années d’expérience, que les personnes en crise essaient souvent de se rendre aussi méritantes que possible lorsqu’elles ont vraiment besoin de l’aide de Dieu. Je fais cela aussi. Il existe une présomption bien ancrée chez la plupart des gens qui pensent que Dieu est en réalité un juge ou un officier probatoire vérifiant que les hommes se conforment à ses préceptes, recherchant des évidences prouvant leur innocence ou des signes en accord avec leurs demandes. Même si les hommes affirment croire que Dieu sauve par grâce, lorsque nous avons vraiment besoin d’un miracle, nous ferons des sacrifices perçus comme plaisants à Dieu.

Les détenus pourront faire un effort supplémentaire pour châtier leur langage, confesser tous leurs péchés, ne manquer aucun culte, lire la Bible plus qu’habituellement, beaucoup prier, offrir des réponses qu’ils perçoivent comme justes dans les études bibliques, pardonner à leurs ennemis, jeûner, etc. Les anciens des Juifs reflètent cette théologie à laquelle chacun est familier. Ils insistent auprès de Jésus sur les mérites du centurion. Nous ne savons si Jésus les accompagne parce qu’il pense que le centurion le mérite. Tout ce que nous savons c’est que Jésus est en chemin vers la maison de ce centurion romain païen pour guérir (plutôt que libérer) un de ses esclaves. Nous continuons notre lecture en cherchant des indices sur ce qui se passe réellement ici.

Un homme  plus âgé, avec une barbe grise et avec la moitié des dents manquantes est en extase. Il a avancé dans la lecture et veut que nous sachions tous quelles bonnes nouvelles il a trouvées.

Il ne pense pas que le centurion romain ait lui-même parlé aux anciens des Juifs de sa valeur du fait de son aide à la construction de la synagogue.  Il argumente le fait que les anciens se font l’avocat du centurion basé sur leur croyance que les hommes ont à être méritants pour avoir leurs prières exaucées. Il pense que les anciens veulent son aide en continu pour leurs projets et font de leur mieux pour convaincre Jésus de les aider à lui rembourser en guérissant son esclave. Chacun est curieux maintenant de lire les versets suivants pour voir ce qui est en fait en train de se passer et s’il y a de bonnes nouvelles pour eux ou la confirmation de leurs suspicions négatives.

L’histoire nous montre clairement qu’à mesure que Jésus s’approche de sa maison, le centurion envoie ses amis (autres que les anciens) pour déclarer à Jésus qu’il n’en ait pas digne. Les amis, plutôt que les anciens, bénéficiaires de sa charité, sont maintenant envoyés. Ils parlent au nom de celui-ci : “Seigneur, ne vous dérangez pas plus, parce que je ne suis pas digne de vous recevoir sous mon toit ; c’est pour cette raison que je ne me considère même pas digne de venir à votre rencontre ” (v. 6-7a).

J’interroge les hommes. “Est-ce que la confession du centurion de son indignité empêche Jésus  de guérir son esclave ? “Jésus dit-il aux amis du centurion, ‘hé, attendez une minute, je pensais que cet homme avait de la valeur, que c’était un homme droit qui méritait un miracle. Comme il n’en a pas, dites-lui d’oublier…?” Les hommes se mettent à rire car cela ne peut être le cas. Nous devons cependant lire les versets suivants pour connaître la fin de l’histoire.

Nous lisons comment les amis du centurion transmettent sa demande détaillée qui modélise sa foi qui,  pour Jésus, par sa grâce et son amour, l’emporte sur son indignité.

“Mais dîtes le mot et mon serviteur sera guéri. Parce que moi aussi, je suis un homme sous l’autorité, avec des soldats sous la mienne ; et lorsque je dis à celui-ci, ‘Va ?’ et il y va ; et à un autre, ‘Viens ?’ et il arrive ; et à mon esclave, ‘Fais ceci ?’ et il le fait.”
Je trouve extraordinaire que le centurion ne se présente pas sous son meilleur jour face à  Jésus au travers de ses amis. Il donne à Jésus des exemples de sa vie de tous les jours en tant que commandant militaire romain qui donne des ordres aux soldats qui occupent la patrie de Jésus. Il ne donne pas d’exemple de son autorité exercée lors de  la construction de la synagogue de Capernaüm,  capitalisant sur  l’attrait exercé sur les anciens des Juifs. Il ne se cache  pas non plus, ni ne minimise le fait d’avoir un esclave. Il montre  plutôt les ordres qu’il donne à son esclave en tant d’exemple de l’autorité qu’il a sur les personnes dans un système de domination païen. On pourrait presque dire que le centurion donne de vrais exemples de sa “vie de crime” pour montrer qu’il comprend l’autorité de Jésus en tant que roi du Royaume de Dieu.

Jésus s’émerveille de cet homme et déclare publiquement à la foule et à ses disciples : “Je vous le dis, même en Israël, je n’ai pu de foi aussi grande ” (Luc 7:9). 

Par le passé, en lisant cette histoire, je pensais toujours à l’exemple de la foi du centurion comme la croyance que Jésus pouvait guérir à distance par un mot, donnant un ordre pour éradiquer la maladie. Alors que Jésus est certainement capable de  cela  et le fait dans d’autres épisodes de l’Evangile, aujourd’hui je vois quelque chose de neuf.

Quand nous arrivons à l’issue finale, quelque chose se passe dans notre cercle dans la pièce à tout faire de la prison du comté de Skagit. L’homme plus âgé avec des cheveux blancs lit le dernier verset.

 “Et lorsque ceux qui avaient été envoyés retournèrent à la maison, ils trouvèrent l’esclave en bonne santé.”


Ensemble, avec les détenus nous nous émerveillons de l’extrême humilité du centurion et de celle de  Jésus. Le centurion ne nettoie pas son image pour obtenir l’aide de Jésus mais se présente comme il est, confiant en la miséricorde de Jésus. Jésus ne prononce pas un mot  de  guérison à distance de l’esclave en public, impressionnant la foule, les anciens ou les amis du centurion. Jésus ne modélise pas son autorité sur celle du centurion. Les amis du centurion trouvent l’esclave rétabli, sans que Jésus n’ait reçu le moindre crédit pour le miracle. Jésus, donne plutôt au centurion ennemi, une modélisation de quelque chose qu’il appelle la foi, dont nous essayons de saisir le mécanisme pendant les dernières minutes de notre étude biblique en prison avant que les gardes ne viennent.

“Comment cette histoire résonne-t-elle en vous aujourd’hui?”  Demande-je aux hommes. “Qu’entendez-vous de Dieu pour vous dans cette lecture et discussion?”

“Le centurion sait qu’il est indigne mais demande néanmoins à Jésus un miracle,” dit quelqu’un. “Nous pouvons faire ça ici en prison, et cela me donne de l’espoir que Jésus me répondra, même quand  ma vie est de guingois et que je ne mérite pas d’aide.”

“Jésus veut aller là où vit le centurion, qu’il soit digne ou indigne,” dit un autre.


Nous parlons de la foi en tant qu’assurance que nous pouvons faire appel à Jésus pour une aide concrète et immédiate tels que nous sommes, sans avoir à laver nos actes. Nous pouvons compter sur lui, pour qu’il vienne à nous, où que nous soyons.  Nous passons les dernières minutes en prière, remerciant Jésus d’être déjà en chemin vers nous, soit parce que d’autres prient pour nous, soit parce que nous demandons de l’aide pour nous-mêmes. J’invite les hommes à oser faire connaître leurs requêtes à Jésus sans préjuger de leur situation présente. Ensemble, nous exprimons nos prières avec un nouvel espoir.

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